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Complexe de Lautréamont
9 mai 2007

[ 3 ]

regardez-moi, archétype d'une race haïssable, dressée bien debout contre les pierres qui tombent contre moi, ces pierres tranchantes que mes semblables apeurés m'envoient pour me voir fuir. regardez moi résister sous vos coups imptitoyables pour finalement m'effondrer sans un cri. vous qui accourrez vers mon corps affaibli, ne me relevez pas, laissez-moi là, j'y suis mieux que debout sous les holas. laissez-moi là , j'y suis mieux que devant mon verre et mes médicaments. laissez-moi là, j'y suis mieux qu'à me trainer aux pieds d'un homme que j'ai aimé pour qu'il me mente de nouveau.

20060929222115_3434

couchée en position foetale depuis une demie heure, je pleure. les gens passent dans mon dos et ne me regardent pas. la gare est le meilleur endroit pour pleurer. personne ne vous entend, chacun est plongé dans sa propre vie, et puis il y a les rails tout près, si jamais le courage me venait... mes larmes coulent en sanglots qui me déchirent la poitrine et le ventre, ça fait mal et c'est bon, mes mains enlacent et tordent mes genoux. je somnole par intermitences ; l'effet des médicaments, sans doute. celà confère à mon étrange situation un caractère irréel, comme un mauvais cauchemar.
mais je ne me réveille pas. tout est de pire en pire : la nuit arrive avec son lot d'ombres et de méchants. tous ces gens qui voient ma faiblesse et veulent en profiter pour me faire du mal... j'ai peur, je panique, je pleure de plus belle, je crie un peu mais en sourdine, je me griffe la poirtrine en tremblant violemment. demain, je m'arrangerai pour avoir oublié cette crise. demain, je m'enivrerai d'absolu. demain, je vivrai de nouveau par procuration.

la nuit vient, m'enveloppe de son manteau sale et froid. la nuit me couvre peu à peu de son humidité translucide, et je me recroqueville, de plus en plus folle. il fait froid mais je ne veux pas partir, je ne veux pas fuir ce lieu de tous mes espoirs, de toutes mes passions et de toutes mes folies. je ne peux pas cesser d'adorer chaque crasseuse partie du mur devant moi, un mur gris sur lequel je tape ma tête dans mon balancement régulier.
soudain, une main se pose sur moi, je sursaute. ce n'est ni une main perverse, ni une main voleuse. la main de quelqu'un qui n'est pas indifférent. la main d'un ami. je me retourne un peu, j'arrête de maugréer et j'ouvre mes grands yeux pleins de larmes sur le visage d'une jeune femme de mon âge, un peu plus âgée peut-être, la trentaine, rondouillette, avec de bonnes joues rouges et un sourire gêné.

" - excusez-moi mademoiselle, je vous vois pleurer depuis trois quarts d'heure... est-ce que je peux vous aider en quelque chose ? "

je ne lui réponds rien. je prends sa main dans les miennes et je pleure de plus belle. je l'accroche, cette femme qui a levé des yeux indulgents sur ma pauvre condition, je m'accroche à elle comme le naufragé s'accroche désespérément à la corde qui peut le sauver. elle s'asseoit. tout contre moi. elle prend ma tête et la pose sur ses genoux. elle a laissé mes ongles rentrer dans la chair de sa main pendant ce temps. mes sanglots nous secouent toutes les deux, mais elle me berce et m'appaise, jusqu'à ce que je m'endorme dans ses bras, en sécurité.

gare_saint_lazare2

quand je me réveille, elle s'est levée et fait les cent pas, un café à la main, dans la gare déserte. elle me propose le fond de son verre, je n'ose pas. je risquerais de le vomir à peine ingéré. elle m'aide à me relever et me porte à moitié jusqu'à sa voiture.

" - cette nuit, vous dormirez chez moi ou moi chez vous. je voudrais garder un oeil sur vous. "

elle m'ammène chez elle. elle ne parle pas, moi non plus. il m'est impossible de parler ce soir. je comprends à peine ce qu'elle me dit, je suis fatiguée, désespérée, et je veux des somnifères. nous sommes dans sa voiture, je suis à l'arrière et je viens de finir de raconter cette belle journée. je reprendrai la plume quand j'en aurai de nouveau la force, car mon esprit se brouille et mes yeux se ferment.

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